Ce concept de l'agapé a malheureusement perdu de son éclat pour beaucoup de chrétiens à cause d'une notion païenne qui s'est subtilement glissée dans leur esprit. Je pense ici à la doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme. Car si la mort n'existait pas vraiment, Christ ne serait donc pas réellement mort. S'il était monté au paradis le jour même de Sa crucifixion (comme plusieurs l'ont cru à cause d'une virgule mal placée dans Luc 23.43 ), Jésus n'aurait alors rien connu de l'humiliation décrite dans la Bible. Il n'aurait pas connu la mort équivalant à la seconde mort, qui constitue la vraie mort.

 

La doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme réduit le sacrifice du Christ au rang de simulacre, à l'épisode dramatique d'une pièce de théâtre où Jésus aurait enduré la colère de Dieu contre les pécheurs, tout en étant constamment soutenu par l'assurance d'une vie immortelle. Non, mes amis! quand l'obscurité s'est abattue sur le Calvaire, l'éclat de la présence de Son Père s'est réellement et totalement caché. Son cri : « Pourquoi m'as-tu abandonné? » ne fut pas la répartie émouvante d'un acteur! Ésaïe avait raison de dire : « Il a livré son âme à la mort » ( Ésaïe 53.12 ), même à « la seconde mort » ( Apocalypse 2.11 ).

 

Ce sophisme [de l'immortalité naturelle de l'âme] issu des anciennes religions païennes a commencé à s'infiltrer dans l'Église peu après les temps apostoliques, comme le prouve l'avertissement que Jésus donna à la première des sept églises symboliques de l'Apocalypse : « Tu as abandonné ton premier amour [agapé] » ( Apocalypse 2.4 ). Car au moment où l'ennemi de Dieu prit conscience de la puissance emmagasinée dans cette idée d'amour, il entreprit [sans délai] de s'y attaquer et de faire tomber l'église dans l'apostasie sur ce point essentiel. Il nous est aujourd'hui possible de retracer, étape par étape, l'abandon progressif du concept de l'agapé par les Pères de l'Église. L'un d'eux, Augustin, conçut une sorte de synthèse de l'agapé et de l'éros égocentrique qui est par la suite devenue le fondement du catholicisme médiéval. Luther essaya bien de redonner à l'agapé sa juste place, mais malheureusement, ses successeurs revinrent à la doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme et encore une fois l'agapé faillit s'éteindre. Mais le monde est maintenant prêt à le voir réapparaître.

 

À ce point-ci, nous pouvons probablement commencer à évaluer la profondeur de l'abîme qui sépare l'amour humain de l'agapé. À moins qu'il ne soit enrichi par l'agapé, l'amour humain n'est en réalité que de l'égoïsme déguisé. Même l'amour parental peut n'être au fond qu'une recherche de son propre intérêt.

 

L'épidémie actuelle d'infidélité qui touche le mariage montre aussi l'aspect égocentrique de l'amour sexuel. Et l'amitié? N'est-elle pas souvent basée sur des mobiles semblables? L'agapé, au contraire, « ne cherche point son intérêt » et « ne périt jamais » ( 1 Corinthiens 13.5, 8 ).